vendredi 2 mars 2012

La demande de bonheur

Conférence de Hervé de Saint-Affrique, le jeudi 16 février 2012 au Centre Hâ 32

La demande du bonheur, une demande d’amour, une demande de désir
 Une demande motive-t-elle le contact avec un psy-« quelque chose » et quelle demande ? Hervé de Saint-Affrique, psychiatre et psychanalyste, en est convaincu.
Il s’attarde peu sur l’approche psychiatrique de la question dont il dénonce les méfaits des prescriptions médicamenteuses outrancières et son asservissement à la logique des marchés des laboratoires pharmaceutiques et des investisseurs. L’enjeu économique est considérable : en dehors de « la pilule du bonheur, point de salut », mais elle ne répond pas à la demande de bonheur.
D’ailleurs est-elle réelle, cette demande de bonheur ?
En psychanalyse, une demande implique que quelqu’un s’adresse à quelqu’un d’autre. D’où la fonction suprême de la parole et du langage (Lacan, 1953). Le langage, préalable à la venue au monde d’un enfant, est l’axiome de la psychanalyse lacanienne. L’enfant est positionné entre le « grand Autre », le lieu du langage et du « petit autre », ses semblables. Dans sa relation primordiale à ses parents, l’enfant incorpore à son insu les équivoques du langage du « petit autre ». Deux conséquences : la première, l’enfant prend position et des marques indélébiles constituent un assujettissement de son inconscient à ce qui l’aura marqué. L’inconscient procède du langage. La deuxième conséquence est que tous les besoins de l’enfant vont être dénaturés. En passant par le langage, nous perdons une partie de notre vie.
La demande s’inscrivant dans le langage, elle est le « fléau » (Hervé De Saint-Affrique) de la condition humaine, parce que, de fait, il n’y a jamais véritablement communication. Le malentendu est la règle. L’émetteur ne sait ce qu’il a dit que lorsqu’il y a accusé de réception par le récepteur. Pour résoudre ce malentendu, on fait appel au « grand Autre » qui est la langue commune. Il existe donc un intervalle entre ce qui est dit et ce qui est entendu. Dans cet intervalle, Lacan loge « le désir » du point de vue de la structure du langage ou ce qui échappe dans une demande, autrement dit, l’inconscient. C’est incompatible avec la parole et pourtant, c’est ce qui fait qu’on parle. Le désir est alors insatiable.
Pour cette raison, le psychanalyste (freudien ou lacanien) laisse parler ses sujets. Par expérience clinique, le sujet systématiquement évoque quelque chose qui cloche dans ses relations à un « petit autre ». Cette « clocherie » entre êtres sexués est la cause de symptômes et à l’origine d’une demande d’amour.
Et plus qu’une demande de bonheur (personne ne sait ce qu’est le bonheur, Hervé de Saint-Affrique), le sujet attend du psychanalyste une réponse à sa demande d’amour, de désir (inconscient). Dans l’impossibilité d’en donner une, la psychanalyse permet plutôt au sujet de trouver des clés pour mieux vivre dans son rapport avec son propre désir.

                                                                                                                     SL

Article publié dans le journal de l'ERbdx, en mars 2012