dimanche 2 janvier 2011

L'Art en jeu ou comment l'Art occidental (XVIème / XXème siècle) est un jeu...(*)

C'est dans l'Italie de la Renaissance que l'artiste (peintre, sculpteur, architecte) est reconnu comme un homme de savoir et de savoir-faire. Il n'est plus un simple artisan, il est considéré comme un créateur. Peinture, sculpture et architecture deviennent des arts libéraux enseignés dans les universités.
Un nouveau marché s'ouvre à côté de celui des institutions religieuses, un nouveau genre de commanditaires collectionneurs favorise l'affirmation de cette nouvelle identité de l'artiste. Soutenus par d'illustres et riches familles (les Médicis pour ne citer qu'eux), les artistes gagnent en liberté et donnent naisssance à un nouveau système d'appréciation. Leurs créations deviennent des objets de contemplation, de désir, de plaisir.

Dès lors entre Art et jeu, de féconds rapports s'établissent. Comme le jeu, l'Art fonctionne à partir de règles et de dispositifs, d'exercices et d'interprétations.

Trois contrats définissent une oeuvre-d'art. Le premier entre l'artiste et le commanditaire: le sujet de l'oeuvre est fixé et correspond à un désir, à une attente du commanditaire et le tout devant notaire! Le deuxième contrat établit implicitement un lien entre le spectateur et l'oeuvre: celui-ci doit être un spectacle et nous devons en être spectateur. Et le troisième est celui qui relie l'artiste à son oeuvre: construire et réaliser son projet artistique.

Voilà pour la théorie !
Car ses trois contrats, ces trois règles (du jeu...) sont souvent faits pour ne pas être respectés! Les règles sont détournées par l'artiste et c'est un fait, il s'amuse ! L'artiste ne respecte pas la volonté du commanditaire; de spectacle, l'oeuvre devient "spectatrice" et le spectateur devient "spectacle" pour l'oeuvre...ENONCIATION (du projet) / TRANSGRESSION (de ce même projet), c'est de ce jeu que procède l'Art:

                               OEUVRE D'ART = ENONCIATION + TRANSGRESSION

L'artiste joue avec le réel, il déjoue la réalité et parfois il n'est plus maître du jeu...

Denis Favennec nous a offert un beau spectacle d'une dizaine d'oeuvres connues et parfois même nous avons été "en spectacle" sous les yeux d'Innocent X (Velasquez 1650)























"Jeux d'Enfants" par Bruegel l'Ancien (1560) où les jeux d'enfants débordent leur espace pour emporter avec eux les adultes...Notre action, notre vie est soumise à l'aléa du Jeu...












la "Chambre des Epoux" ou glorification des Gonzague par Mantegna (1470/1480) commanditée par le Marquis de Mantoue où scènes de cour (chasse, réception) montrent un sens caché des realtions politiques/diplomatiques du temps que les Gonzagues eux-mêmes doivent déchiffrer, avec son oculus en trompe-l'oeil et les putti qui se jouent de nous...



Ou encore Giulio Romano, toujours pour les Gonzagues, peintre et architecte du Palais du Té (1527/1534) avec la "Salle des Géants" où la peinture dégouline, envahit tous les murs...












La liste n'est pas exhaustive..pour expliquer que l'artiste joue...à tromper l'oeil ! Et je ne saurai résister à vous inviter à voir "Le Tableau Retourné" de Gysbrechts (1670): le tableau est dans le tableau, tout à disparu...il n'y a plus que nous en face d'un tableau !

Sylvie Lacoste

(*) Conférence de Denis Favennec, professeur de mathématiques spéciales au Lycée Montaigne à Bordeaux et Docteur en histoire de l'Art.