jeudi 29 décembre 2011

 L'Arcadie heureuse: le paysage du bonheur dans la peinture classique
Au Centre culturel Hâ 32, le jeudi 15 décembre 2011, Denis Favennec, docteur en histoire de l’art et professeur de mathématiques spéciales nous a proposé une lecture du bonheur dans la peinture, de la Renaissance à l’époque moderne, en Europe occidentale.
Certains peintres se sont emparés du mythe grec de « l’Arcadie » comme lieu possible du bonheur, le paradis terrestre en somme. Cette terre du Péloponnèse, devenue mythique, inspire l’activité picturale de Poussin à Friedrich en passant par Le Lorrain. Elle met en scène une opulente et généreuse nature dans laquelle l’homme croit reconnaître le bonheur absolu. Mais cette quête demeure fragile. Dans leurs paysages, les maîtres mettent l’accent sur le caractère périssable de l’existence humaine et du bonheur.

« Les Bergers d’Arcadie » de Nicolas Poussin, habillés en nobles, déchiffrent sur le tombeau, l’inscription « Et in Arcadia ego ». Elle révèle une ambiguïté fondatrice du bonheur. « Moi aussi, j’ai vécu en Arcadie » dit la mort et elle atteste ainsi avoir connu le bonheur sur cette terre. « Même en Arcadie, j’existe » : dans cette possible traduction, alors la mort rappelle aux vivants son omniprésence. Poussin semble avoir suggéré cette deuxième lecture. C’est donc un tableau mélancolique qui pose comme postulat l’existence de « deux Arcadie » développé en Occident.

Bien avant lui, les origines du paysage dans la peinture en Europe, se trouvent dans la Maison de Livie à Rome. La fresque le « Petit jardin de paradis » d’un peintre anonyme, montre un lieu paradisiaque, un jardin pur, délicieux avec des fruits, des iris bleus des oiseaux. Le paysage est vécu comme un espace de désir auquel il est possible d’accéder directement malgré la présence d’un muret. Comme dans « Les Bergers » de Poussin, le temps est apaisé. La Vierge lit et, à côté, toutes les activités du paradis se déroulent. Seul l’ange est en marge et peut-être s’ennuie-t-il ? Là encore, les deux postulats : on est certes au paradis, mais paradis perdu ou paradis à venir ?

On retrouve la même idée dans l’« Annonciation » de Fra Angelico. Dans ce retable, en haut à gauche, Adam et Eve rappellent le péché originel (le paradis perdu) alors que, au premier plan, l’ange annonciateur et la Vierge témoignent du paradis retrouvé. Il y a continuité historique, temporelle et spatiale.


Avec « Le jardin d’Eden » de Van der Goes, on entre de manière douce dans la scène : Adam et Eve sont encore innocents ; le fruit défendu va être cueilli. Au second plan, la colline à gauche, le ciel bleuté, lointain mais dont on peut supposer qu’au-delà du paradis, un ailleurs est suggéré. Autre évocation chez Bosch et le « Jardin des délices » : à gauche, le paradis, à droite, l’enfer, et, au milieu, un « entre-deux » : le jardin des délices. La ligne d’horizon des volets gauche et central du triptyque traduit une continuité possible. Ici, le paradis n’est pas perdu, il est même permis. Avec le paysage de « vanité », « Le Paradis » de Brueghel, fruits et animaux, création du monde sont menacés par le péché qui va bientôt avoir lieu (Adam et Eve en bas, à gauche, en arrière-plan).

 
Ce bonheur tant convoité est aussi menacé par le serpent, dans « Orphée et Euridice » de Poussin comme dans « Acis et Galathée » du Lorrain qui évoque à son tour le paradis perdu. Ces tableaux figurent la précarité de la vie et l’inanité des occupations humaines. Ils peuvent illustrer aussi la cupidité de l’homme : c’est Icare qui, pour atteindre son désir, se brûle (« Chute d’Icare » de Bruegel) alors que le paysan continue de labourer et semble heureux.
 
Le bonheur est un lieu toujours désirable et l’homme ne cesse de rêver d’ailleurs. Les amoureux de Watteau veulent rejoindre Cythère, l’île de Vénus sans savoir où elle se situe précisément. Saint Ursule du Lorrain s’embarque, guidée par le soleil, la lumière par excellence. Parce que le lieu vers lequel on se dirige est assurément un lieu agréable.



Pourtant, le bonheur ne semble pas atteignable. Peut-être doit-on le chercher ici et pas ailleurs comme « La femme de dos » de C. David Friedrich ?





Article publié dans le journal de l'ERbdx, Janvier 2012

Sylvie Lacoste

jeudi 1 décembre 2011

Le bonheur en politique


Le bonheur en politique



Dans le cadre des conférences du Centre du Hâ 32, conférence du 17 novembre 2011 :
« Le bonheur en politique »

Est-ce que la politique doit s’occuper du bonheur des citoyens ? Ou le bonheur relève-t-il du domaine privé ?

Daniel Picotin, avocat et ancien député de Gironde et Alain Anziani, également avocat et aujourd’hui, sénateur ont tour à tour exposé leurs points de vue. Une table ronde animée par Nicolas Cochand.

Spontanément, pour Alain Anziani, le bonheur doit être l’objectif de la politique : atteindre le bonheur de la population. Et le sénateur avoue connaître de très grandes joies. Car la politique, c’est vivre ensemble. Ce n’est pas si évident toutefois. 
« L’homme est un animal politique » en vertu de son pouvoir de langage, affirmait Aristote. L’homme est naturellement fait pour vivre dans la cité, avec des lois sociales qui tendent à privilégier le juste sur l’injuste, le bien sur le mal. Autrement dit atteindre « le souverain bien ». Le bonheur n’était donc pas une affaire personnelle mais collective.
Toutefois, l’histoire a montré les risques de la politique lorsqu’elle veut imposer le bonheur par la loi, elle peut faire le malheur.
De fait, le bonheur serait-il devenu une affaire uniquement personnelle ? Il semblerait que oui. Il est vrai que ce qui rend heureux est difficile à cerner. Le bonheur est relatif et varie en fonction de chacun. Et c’est cette variété qui ferait que mettre la règle, la loi serait difficile. Selon Alain Anziani, le bonheur ne s’administre pas et ne peut donc relever de la politique. La politique ne fait pas le bonheur, mais évite le malheur. Elle ne peut que mettre en place les conditions du bonheur et non donner le bonheur.

Daniel Picotin souscrit aux propos du sénateur et ne croit pas au bonheur d’Etat : si c’est un programme politique, on est dans l’utopie, l’hypocrisie, l’escroquerie. Et de rappeler les désillusions d’André Gide et de Boris Vian de retour d’URSS.
Les politiques assurent les conditions nécessaires mais pas suffisantes pour le bonheur. Il reste donc bien une notion individuelle. Sensible au bouddhisme, Daniel Picotin qui a mis fin à sa carrière d’homme politique jeune et de son plein gré, cite Matthieu Ricard : « La cause première du bonheur réside en notre esprit, alors que les circonstances extérieures ne constituent que des conditions adverses ou favorables ». C’est l’histoire de la « bouteille vide/bouteille pleine ». Le bonheur est donc bien individuel. En tant qu’homme politique, a-t-il apporté, contribué au bonheur des citoyens ? Daniel Picotin a été plus heureux dans ses mandats locaux à Saint-Ciers- sur-Gironde même si en tant que commissaire sur le projet de bracelet électronique, il a contribué à éviter le malheur de l’incarcération. Au parlement, il a refusé à plusieurs reprises de voter le budget de l’Etat car toujours en déficit. Il ne comprenait pas pourquoi l’Etat s’endettait avec le sentiment d’un Etat écrasant et irréformable. Son bonheur aujourd’hui est de ne plus faire de la politique. Localement, il a le sentiment d’avoir participé à une forme de bonheur de ses concitoyens.

In fine, le bonheur relève bien du domaine individuel. Et même l’adoption d’un nouvel indicateur de mesure « le Bonheur National Brut » n’y change rien selon Alain Anziani.
Le BNB est une tentative de définition du niveau de vie préconisée par le roi du Bhoutan en 1972. Cet indice repose sur 4 principes : croissance et développement économique, conservation et promotion de la culture, sauvegarde de l’environnement et utilisation durable des ressources, bonne gouvernance responsable. Joseph Stiglitz, Prix Nobel d’Economie reprend cette notion (rapport commission 2009). Cet indicateur reste néanmoins politique : dans ce classement, figurent en tête de liste tous les pays riches ! De là en conclure que le bonheur c’est la richesse, il n’y a qu’un pas…Hypocrisie encore ? On est loin de la définition du roi du Bhoutan.

Très justement, le débat riche, a amené à revenir sur la devise fondatrice de notre république démocratique, « Liberté, Egalité, Fraternité », garantie intrinsèque de notre bonheur et bien mise à mal. Par la loi, l’Etat s’engage à assurer la liberté et l’égalité qui permettent les conditions du bonheur du « démos ». Qu’en est-il de la fraternité ? De l’avis commun d’Alain Anziani et Daniel Picotin, on ne peut pas légiférer sur la fraternité. Cela explique-t-il Le désengagement de l’Etat, au gré des crises économiques, de l’action de solidarité financière auprès des associations ? Si on ne peut pas légiférer sur la fraternité, n’est-ce pas parce qu’elle est le sous-bassement, le fondement de la liberté et de l’égalité et qu’elle se place en même temps au-dessus? Oui, le bonheur est sans doute une disposition de l’esprit. Mais si le bonheur collectif n’est pas une affaire de la politique, qu’advient-il du bonheur individuel ? Peut-on être heureux seul ?
La fraternité est l’affaire de tous. Sans elle, pas de liberté et d’égalité possibles, pas de bonheur ni individuel, ni collectif possibles.


Sylvie Lacoste

Article paru dans le journal de l'ERbdx de Décembre 2011 

mardi 1 novembre 2011

Faut-il rechercher le bonheur?


 Faut-il rechercher le bonheur ?


Jeudi 20 octobre, Hervé Parpaillon, professeur de philosophie à Bordeaux, a présenté au Hâ 32 la première conférence sur le cycle du « Bonheur ».Nous étions nombreux ce soir-là. Un exposé divisé en trois temps coupés d’un temps de réflexion et d’échanges ; une formule réussie !
Le bonheur est une notion abstraite et complexe. Faut-il le rechercher ? Le postulat de base est : oui, tous les hommes recherchent le bonheur. Epicure, Kant, Montaigne et Mencius ont réfléchi à la question.

Premier voyage avec Epicure. Dans l’Antiquité, bonheur et vertu vont de pair. Pour Epicure, le Souverain Bien, le vrai bonheur est dans la paix de l’âme que rien ne vient troubler. C’est le désir mais pas n’importe lequel, le désir naturel, nécessaire donc fondamental (manger à sa faim par exemple). A vouloir toujours plus, à dépasser le juste milieu, à choisir l’ubris, alors un cycle de douleur se développe ; la simplicité et l’abondance sont perdues. Alors que si le choix de la frugalité est adopté, les deux sont acquises et le bonheur est atteint. Comment y arriver ? En philosophant ; c’est une thérapeutique car la philosophie ôte le trouble de l’âme. Elle apporte le bonheur à tous les âges. Le vieux reste jeune et se réconcilie avec son passé et le jeune, reçoit la piété des anciens et va gagner en sang-froid. « Alors, en effet, nous avons du plaisir quand, par suite de sa non-présence, nous souffrons, mais quand nous ne souffrons pas, nous n'avons plus besoin du plaisir. » (Épicure, Lettre à Ménécée). Ainsi le bonheur est atteint. La vie est un processus de maturation.

Avec Kant, le deuxième voyage dans Les Fondements de la métaphysique des mœurs, le bonheur ne peut être qu’un objet d’espérance.Le bonheur est un concept indéterminé car il est empirique. Et même une vie simple n’est pas assurée d’avoir le bonheur. Le bonheur est dissocié de la vertu. La morale est fondée non sur le bonheur mais sur le devoir. Elle répond à un principe de législation  universelle : la même loi doit être suivie par tous et elle ne peut venir que de la raison pure car elle seule permet de poser des principes qui sont indépendants de l’expérience contrairement au bonheur. Kant accepte que le bonheur puisse être un objet d’espérance en ce sens que « Dieu représente l’unité suprême et stimule ainsi la tendance synthétique de l’esprit ».

Au cours de notre troisième voyage, Montaigne nous dit que « Notre grand et glorieux chef-d’œuvre, c’est vivre à propos », vivre en accord avec ce qui se passe à l’instant (Les Essais). Rien à voir avec le « Carpe diem » qui invite à rechercher le bonheur parce que le temps qui passe est un temps de destruction (souvenez-vous de le rose de Ronsard !). François Julien (philosophe et sinologue), identifie chez Montaigne un « concept du moment » ; le moment varie et est donc source de renouvellement : « quand je danse, je danse, quand je dors, je dors » autrement dit « je suis en accord avec le mouvement ». C’est un tout autre espace que celui de la recherche du bonheur que l’on retrouve dans notre…

Quatrième voyage en Chine. Pour Mencius, confucéen, ne pas s’enfermer dans la recherche de la possession de l’instant, c’est rester éveillé (Le Mencius) à notre sens moral inné. La recherche du bonheur n’est pas une finalité en soi.
« Un paysan qui veut que son blé pousse, tire sur les pousses; le soir, quand ses enfants accourent voir le résultat, tout est desséché. En tirant sur les pousses, en visant par cette action directement l'effet, il a forcé l'effet et produit immanquablement du contre-effet. Car la poussée est dans la situation: la graine qui est dans la terre et ne demande qu'à pousser. Faut-il pour autant rester passivement au bord du champ et regarder pousser: j'attends que ça pousse... ? Non, bien sûr; il convient seulement, nous dit Mencius, de faire ce que tout paysan sait, qui est discret et non pas héroïque: de jour en jour, biner, sarcler, bêcher, au pied de la pousse - favoriser la poussée, c'est-à-dire favoriser la transformation silencieuse qui aboutit peu à peu, sous nos yeux, mais sans qu'on s'en aperçoive, à ce que le blé un jour soit mûr et qu'on n'ait plus qu'à le couper. » Mencius. 

Sylvie Lacoste
Article paru dans le journal de l'ERbdx, novembre 2011

samedi 1 octobre 2011

Christianisme social


« Le Christianisme social à Bordeaux »

La Commune théologique de Bordeaux a réussi son premier pari : organiser une première conférence pour présenter le « nouveau » christianisme social ! L’assemblée était nombreuse ! Protestants et catholiques réunis et à l’écoute de trois témoignages riches et émouvants.
Tour à tour, Patrick Rodel (professeur de philosophie), Olivier Bres (théologien protestant) et Jean-Etienne Dhersin (élu municipal) sont revenus sur leur parcours de foi, moteur de leurs engagements.
Pour chacun, l’univers familial a été essentiel. L’univers professionnel et associatif ont été et sont leur « terrain de jeu ».
Acte courageux que d’exposer publiquement leur foi en Dieu. Acte courageux que d’expliquer publiquement en quoi cette foi a motivé, a guidé leur vie toute entière. Acte courageux parce que leur témoignage interpelle aujourd’hui les chrétiens bordelais à s’interroger sur leur positionnement sur les grandes et moins grandes questions de société et in fine à faire de la politique.

La mission de la Commune théologique est d’être un lieu de débat sur la vie politique stricto sensu, économique, religieuse, scientifique etc…ou purement « événementielle » (faits « divers » de tous ordres). Ainsi nous pouvons participer de manière plus lucide et plus consciente à la vie sociale. A travers le débat, nous pouvons prendre position en tant que chrétiens.
Faire de la politique, c’est s’intéresser à ce « qui a rapport à la société organisée», c’est participer à la vie sociale. Nous sommes dépendants les uns des autres : les « petits » des « grands » et vice-versa même si ces derniers n’ont pas toujours consciences de cette vérité.
Non, la dépendance n’est pas une faiblesse. Elle est une réalité !
C’est autour de ce postulat de base que la Commune théologique de Bordeaux invite les chrétiens à se réunir, à réfléchir, à débattre, à s’affirmer publiquement et collectivement.


Sylvie Lacoste

Article paru dans le journal de l'ERbdx en septembre 2011.

Une histoire d'union

« Vers une église protestante unie : Luther et Calvin témoignent ensemble de l’Evangile »

Le samedi 17 septembre 2011, le pasteur Gilles Vidal (1) a présenté en sa qualité de rapporteur synodal de la Région Sud-ouest, le processus d’union des Eglises luthériennes et calvinistes en France.
A Bordeaux, il n’existe pas d’Eglise luthérienne ; pourtant la description des différentes étapes et surtout l’explication du sens de cette union faites par G.Vidal, attestent bien de l’intérêt que nous devons y porter. Et n’existe-t-il pas des Luthériens « locaux » qui se soient intégrés dans l’Eglise calviniste ?
Le point central est le partage d’une même foi chrétienne dans des expressions différentes : la pluralité des confessions n’empêche pas la communion ecclésiale. « Les anathèmes réciproques tombent » selon G.Vidal.
Car Luthériens et Calvinistes se distinguent par des nuances plus que par des différences fondamentales. Toutefois « Eglise unie » ne  rime pas avec « uniformité ». Et l’« éléphant » ne voulant pas écraser la « souris», l’Eglise luthérienne conserve :
-« le salut par la grâce seule », le message central de Luther 
-la tradition et l’importance des signes visibles : la même confession de foi / la Cène tous les dimanches / la Bible et des bougies (du sensible et pas que de l’audible) / le pasteur en robe noire parfois blanche
-l’ordre dans le sens d’ordination ou « réaliser une tâche précise »: le pasteur préside le culte et les sacrements
-les inspecteurs ecclésiastiques : un pasteur des pasteurs élu pour veiller spirituellement sur ce qui se passe et sur ses collègues sans leur être supérieur
- les synodes : 1 pasteur et 2 laïcs.
Et avant l’Union, les deux Églises ont déjà en commun :
 l’organisation presbytérienne synodale / la formation initiale de leurs ministres par l’Institut protestant de théologie (IPT) / la formation continue de leurs ministres par la Communion protestante luthéro-réformée (CPLR) /la mobilité fréquente d’un pasteur de l’une à l’autre l’adhésion à la Communion d’Eglises protestantes en Europe (Concorde de Leuenberg) / la fondation avec d’autres de la Fédération protestante de France /l’adhésion à la Conférence des Eglises européennes / la participation à la création du Conseil œcuménique des Eglises / l’action missionnaire par le Defap et la Cevaa / l’action commune à travers de nombreux mouvements (scoutisme, union chrétienne, fondation John Bost, cimade...) / la méthode et les outils catéchétiques et même... les recueils de cantiques depuis le XIXe siècle.

De l’avant-projet de l’union (2), je retiens «  La Concorde de Leuenberg » en 1973. C’est la poursuite depuis l’Entre-deux-guerres d’un travail théologique commun, d’un témoignage et d’un service commun. C’est le texte théologique fondateur. Concrètement, sur le terrain, on doit inventer, imaginer des structures nécessaires de cette communion. Depuis consultations et débats se multiplient.
Les prochaines étapes à l’aboutissement d’un processus de près de 40 ans : automne 2011,
les synodes régionaux font la synthèse des travaux et élaborent leurs avis, qui seront transmis à l’assemblée préparatoire commune et aux synodes général et national /- mars 2012,
une assemblée préparatoire commune rassemble les synodes luthérien et réformé, qui font la synthèse des avis régionaux et affinent les projets de textes /- mai 2012, le synode général luthérien et le synode national réformé adoptent les textes constitutifs /- de septembre 2012 à mars 2013, les paroisses, les consistoires et les régions se mettent progressivement en conformité avec les nouvelles « règles du jeu ». L’harmonisation administrative et financière s’intensifie / -du 9 au 12 mai 2013, le premier synode national de l’Église protestante unie de France se réunit à Lyon.
En 2013, deux Eglises seront unies en une seule. Le préambule fait mémoire du socle et du chemin d’unité tout en garantissant l’identité des luthériens et des calvinistes : les textes fondateurs de chacun seront conservés. Une déclaration de foi commune pourrait venir le compléter.
Les Régions, charnières de la vie des Eglises, vont être les chevilles ouvrières de cette union. Elles vont témoigner ensemble de l’Evangile. Divers et unis, nous sommes plus accueillants, stimulés, pertinents. Nous portons plus loin et plus large la mission.
Tels sont les enjeux de fond ! « Ecoute Dieu nous parle » !

Sylvie Lacoste

(1)   Gilles Vidal : professeur de Théologie et d’Histoire du Christianisme à l’époque contemporaine à l’Institut Protestant de Théologie de Montpellier.

Article pari dans le journal de l'ERbrdx en octobre 2011

dimanche 11 septembre 2011


 Hâ 32 : le bonheur ?



Pour son nouveau cycle 2011-2012, le Centre culturel Hâ 32 a choisi de travailler sur un thème à la fois simple et insaisissable : le bonheur.


Nostalgie ou aspiration, instant à savourer, le bonheur paraît évident. Il se révèle pourtant difficile à nommer, à décrire, encore plus à définir. Peut-on l’expliquer, le mesurer, le communiquer ?

Le Hâ 32 a pour vocation de cultiver la réflexion et le débat. Il décline ses activités en trois formules : midi-14, conférence, samedi théologique.

Le jeudi à midi, chaque semaine ou presque à partir du 22 septembre, un déjeuner conférence aborde un aspect de la thématique autour d’un repas. Le premier « midi-14 » introduira le thème de l’année. Lors du second (29 septembre), Mme Nadine Lavand élaborera un lexique du bonheur. Le troisième rendez-vous (6 octobre) se penchera sur les représentations du bonheur dans la littérature de jeunesse, avec Mme Claude Dagail, auteur et éditrice, tandis que le quatrième (13 octobre) s’intéressera à la publicité, puissant révélateur d’aspirations diffuses.

Un jeudi par mois, une conférence se déroule en soirée. La première (20 octobre, 19h30) sera donnée par M. Hervé Parpaillon, professeur de philosophie, qui interrogera la notion de poursuite du bonheur : faut-il le rechercher ? Le cycle abordera ensuite le terrain politique, le champ économique, l’expression artistique.

lundi 5 septembre 2011

Cycle Hâ 32 2011/2012

"Le bonheur, mais quel bonheur ?"


                       dès le 22 septembre 2011

lundi 4 juillet 2011

"L'ai-je bien joué?"

 
        

                          "L'ai-je bien joué ?"


                    
Conférence de Michel Laplénie, directeur musical de l’ensemble musical baroque « Sagittarius ». 

Dernière conférence du cycle 2010/2011, « Jeux, enjeux, hors-jeux ». du Centre Hâ 32
Le jeu « en », « avec », « de » la musique : « jeu » et « musique » sont souvent associés : « jouer de la musique ». « Play » en anglais, « spielen » en allemand… Ce terme est utilisé dans toutes les langues ; ce n’est donc pas une opération banale. Elle est ludique ; on joue aussi pour le plaisir : celui de l’interprète, de l’auditoire, du compositeur.
La musique est une allégorie, une entité : elle essaie d’imiter, de jouer avec les notions fondamentales de la nature, des hommes, de l’espace. Elle rivalise en cela avec la peinture. Elle se substitue à des visions. La musique est descriptive, imitative.
La musique imite la nature. Au XVIIIème siècle, on redécouvre la nature déchaînée : chez Rameau avec « Hyppolite et Aricie » (1733). Autre exemple plus tardif, la « Symphonie Alpestre » de Strauss (1815) : l’orchestre se déchaîne pour symboliser l’orage. Les animaux ont beaucoup occupé les compositeurs : « Le Carnaval des animaux » de Camille Saint-Saëns (1886).
La musique peut être plus évocatrice qu’un tableau, que la nature elle-même.
Elle imite les éléments aquatiques : dans « L’Or du Rhin » de Wagner (1852-1853), la force de conviction de la musique nous plonge dans les profondeurs du Rhin. Dans les « Jeux d’eau de la villa d’Este » de Liszt (1883), la fluidité rendue par le piano rivalise avec la nature ; c’est un jeu entre nature et instrument.
Le compositeur joue avec notre imaginaire ; la musique est un jeu avec la pensée. Dans la description du chaos chez Haydn (« La Création » 1796-1798), la musique précède le texte : elle est le souffle. La musique est descriptive, figurative. Elle joue avec nos sens.
La musique joue avec les humains. Elle essaie de rendre le caractère des gens. François Couperin dans le « Cinquième Ordre » (1713) fait de la danse populaire des «Vendangeuses » un objet esthétique ; la musique joue avec la réalité en faisant résonner l’univers paysan à la cour. Jusqu’où le jeu transfiguré par la musique peut-il aller ? Dans « Jeux d’enfants » de Bizet (1871-1872), la musique évoque le monde de l’enfance, le jeu lui-même.
La musique joue avec l’espace. La musique se joue pour résonner dans l’espace, elle joue avec l’espace, elle se joue de l’espace. Pour le compositeur, le choix de l’espace est la première préoccupation et révèle la complexité musicale. La notion d’espace est liée à quelque chose de jubilatoire. Ainsi au XVIème siècle, le flamand Adriaan Willaert expérimente la polychoralité avec deux chœurs dans les « tribunes de Venise » de la basilique San Marco : ils chantent en alternance puis finiront par se superposer. Les frères Gabrieli (oncle et neveu en réalité !) tous les deux organistes (l’oncle commence sa carrière avec A. Willaert !) reprennent le flambeau : ils rajoutent des chœurs, des instruments, rendant plus complexes le jeu de la musique avec l’espace.
La musique joue avec la partition. Une partition écrite n’est plus à l’auteur et tombe dans le domaine public. Et bien souvent les compositeurs eux-mêmes puisent dans leurs propres partitions qu’ils réécrivent pour d’autres instruments (Haendel, Bach, Moussorgski, Strauss…).
La musique joue avec l’original : elle parodie les thèmes profanes pour en faire des thèmes religieux. Une mélodie simple n’est pas non plus concevable : il faut l’orner. Là encore il s’agit de remplir un espace. C’est un jeu ornemental.
Jouer de la musique, c’est un jeu de séduction, d’échange entre le ou les interprètes et le chef, c’est théâtraliser l’espace, c’est jouer avec un ou plusieurs thèmes, c’est aussi jouer des fricassées parisiennes (Clément Janequin, XVIème), jouer des farces (« Concerto pour un aspirateur et son orchestre » de Hoffnung.
Merci Monsieur Laplénie, pour cette soirée qui donne envie de jouer… de la musique !
Sylvie Lacoste
* Article publié dans le journal de l'ERF de juillet 2011.

mardi 31 mai 2011

"Le jeu: une addiction ?" *

                                                        
Conférence du jeudi 28 avril 2011, au Hâ 32 : Marc Auriacombe, professeur de psychiatrie et addictologie à l’Université de Bordeaux 2.
Sur un ton léger mais indispensable, Marc Auriacombe a su nous présenter un sujet plus grave qu’il n’y paraît. Merci à lui.

En quoi le jeu peut être une addiction ?
En premier lieu, qu’est- ce qui caractérise une addiction ?
Il n’existe qu’une addiction. C’est une grande révolution dans la compréhension de cette pathologie ; elle a donné naissance à une nouvelle discipline de la médecine : l’Addictologie.
En effet, alcool, drogue, tabac, argent, travail…et jeu ne sont que des objets d’addiction. Tous sont sources de gratification (intérêt/plaisir).

Mais quelle différence entre intérêt/ plaisir/passion et addiction ?
-          l’addiction est improductive et inutile ; elle n’est que souffrance ; c’est une pathologie handicapante.
-          la limite est franchie lorsque notre système universel de modulation/de contrôle de notre sens de gratification ne fonctionne plus, lorsqu’on ne peut plus tenir compte des conséquences de l’usage d’un objet.
-          dans l’addiction, l’envie de l’objet ne se déclenche pas dans « le moment normal ».
Alors que le plaisir/la passion sont sources de production. D’où parfois un diagnostic difficile à établir sachant qu’ils sont eux-mêmes facteurs de risques.
L’addiction existe en soi ; elle n’a pas de causes. Ou plutôt les causes sont multiples et la vulnérabilité addictive est variable selon les individus. C’est l’usage de l’objet qui perd de sa causalité contrairement au plaisir/ à la passion  où les différents usages ont un sens.

Il est établi que l’addiction tue, certes à petit feu mais elle tue. Elle est associée à une augmentation de la mortalité, elle diminue l’espérance de vie.
C’est une maladie fréquente : 10 à 30% des individus ont une addiction.
Le paradoxe de l’addiction - source de plaisir- est qu’elle est désespérante : l’individu dépendant veut arrêter mais ne peut pas d’où un risque réel de suicide.
L’addiction est désespérante. La souffrance du malade perturbe l’entourage (familial, amical, professionnel). Le premier passe son temps à freiner sans réussir pour résister à l’objet de son addiction tandis que le second passe son temps à accélérer et à presser le premier à arrêter.

Parce qu’il n’existe qu’un seul système de régulation, l’addiction est une maladie unique. Aujourd’hui, le travail des spécialistes se fait sur le système de contrôle et sur la perte de contrôle ; et non plus sur l’objet. C’est en cela que réside la révolution ; les centres de santé se sont réorganisés et ne sont plus centrés sur l’objet.

Mais pour réussir dans le traitement de cette maladie, les patients et leur entourage doivent avoir une vue du traitement sur un long terme, au –delà bien souvent de cinq ans dès la prise en charge.

Mais parce que le traitement se fait sur le système de contrôle et sur la perte de contrôle, des thérapeutiques efficaces existent aujourd’hui, pour toutes les addictions. Et le jeu peut être une addiction comme une autre.

Et çà c’est une excellente nouvelle.
                                                                                           Sylvie Lacoste

* paru dans le journal de l'ERF de Bordeaux /juin 2011

"Les fondements du mariage chrétien: un peu d'histoire." *

                                

Avant le XIème siècle, il n’existe pas de rite spécifique du mariage dans l’Eglise. Le rôle du père est essentiel, une dot scelle l’accord, le don de l’anneau symbolise l’union  et l’épouse peut entrer dans la maison de son mari.
 Les chrétiens se marient selon leur condition sociale. Et si nous avons de nombreuses sources sur le mariage des rois et des nobles en général, il est difficile de faire un tableau du mariage paysan.
Le mariage fait alors partie d’un code matrimonial qui repose pour l’essentiel sur la transmission d’un capital et où la fonction de l’épouse est de donner des descendants : masculinité et primogéniture sont de règles. Ce qui explique le rôle essentiel du père des  futurs mariés dans les tractations. C’est une stratégie à long terme.

Augustin d’Hippone est le fondateur de la discipline de l'Église en matière de mariage dans le « De bono coniugali » et le « De nuptiis et concupiscentia ». Il y construit les deux doctrines qui resteront tout le temps, celle de l’indissolubilité et de la procréation comme fin du mariage. Pour lui, le mariage est « proles » (fécondité), « fides » (fidélité), « sacramentum », (forme de sacrement et donc indissoluble). La procréation est la première fin du mariage. Dieu a institué l'union « pour engendrer, non pour pécher ». La « fides » est importante d’un point de vue très pratique, elle entraîne la présomption de paternité. Que le mariage soit « sacramentum » c’est-à-dire symbole, image de l'union du Christ et de l'Église, est une idée antérieure à Augustin puisqu’on la trouve déjà chez Origène, Tertullien, Ambroise et Jérôme.
Les débats sur la pratique du mariage tourneront ainsi entre deux thèmes principaux:
1-l'indissolubilité
2-le « sacramentum ».

Dans la tension qui la pousse à se réformer, à rompre certaines de ses collusions avec le pouvoir laïque, à s'ériger en magistrature dominante, l'Église intensifie après l'an mille, à propos de l'institution matrimoniale, son effort de réflexion et de réglementation : elle fait du mariage une institution religieuse. Depuis la fin du XIe siècle, se discerne l'édification progressive d'une liturgie matrimoniale.
 Elle aboutit à la construction d’une idéologie du mariage chrétien. Elle s'érige en une entreprise de spiritualisation de l'union conjugale. Ses aspects sont multiples : l'essor du culte marial qui aboutit à faire de la Vierge mère le symbole de l'Église, c'est-à-dire l'Épouse jusqu’à l'établissement du mariage parmi les sept sacrements. Un rituel se met alors en place : les mariés sont aspergés d’eau bénite, le lit est encensé et le couple béni est confié à Dieu ; tout ceci dans la stricte observance des consignes ecclésiastiques ; l’anneau, lui aussi béni n’est alors porté que par l’épouse. Mais c’est encore le père et non le prêtre, malgré sa présence, qui reste le principal officiant.

 Alors que pour Paul, le mariage des chrétiens est le signe visible d’une union et de l’amour du Christ et de l’Eglise, il faut attendre le concile Latran IV de 1215 : le mariage est intégré dans la liste officielle des sacrements ; il est donc indissoluble sauf par la mort. Latran IV structure la société et organise la famille. Le concile règlemente la publication des bans à l'occasion des mariages : Il n'est désormais plus possible de convoler dans la clandestinité. Cette mesure est destinée à lutter contre les unions consanguines, entre cousins et parents proches, que l'Église et le corps social tiennent en horreur, ces unions débouchant sur une dégénérescence génétique et, dans le meilleur des cas, sur un repli communautaire.
Les évêques conciliaires accomplissent un acte révolutionnaire en n'autorisant que les mariages pour lesquels les deux conjoints, l'homme et la femme, auront publiquement exprimé leur consentement. Ainsi, pour la première fois dans l'Histoire de l'humanité, la société accorde aux femmes le droit de disposer d'elles-mêmes. Les femmes ne sont plus des mineures, comme sous l'Antiquité, ou des marchandises que le père cède contre une dot. Bien entendu, il faudra beaucoup de temps avant que les femmes puissent pleinement choisir et accepter leur conjoint. Elles seront longtemps encore soumises à la pression de leur entourage mais, avec l'appui de l'Église, leur liberté progressera régulièrement.
Mais c’est aussi la condamnation des doctrines vaudoise et cathare qui sanctifient la pauvreté et le renoncement aux valeurs matérielles.

C’est le concile de Trente qui décrète en 1563 que  le mariage n'est valide et sacramentel  que s'il est fait en présence d’un prêtre et de deux témoins contre Luther qui rappelle que le Nouveau Testament ne montre d'institution par Jésus que du baptême et de la Cène.  
Les Réformés ne reconnaissent pas le septième sacrement. Mais avec la Révocation de l’Edit de Nantes (1685), on fait appel à un pasteur pour les mariages « clandestins » par force. Ils s’apparentent  de fait à une forme de mariage civil.


Une nouvelle ère du mariage naît avec la Révolution française : elle  instaure le mariage civil dont les bases sont similaires au mariage chrétien. Toutefois le mariage est un contrat et le divorce devient possible.

Sylvie Lacoste 

* Paru dans le journal de l'ERF de Bordeaux / juin 2011

dimanche 1 mai 2011

La symbolique de l'eau dans l'Ancien Testament.*


Le symbolisme des eaux est le type même de symbolisme pluriel et contradictoire. Parmi les quatre éléments, l’eau est le seul à se mettre au pluriel car il ne peut se manifester dans des formes au contraire du feu, de la terre et de l’air. L’eau tire sa puissance de l’informel : elle vient avant ou après la forme.


Aux origines, la parole créatrice de Dieu organise le monde. 
Dès le deuxième jour, la « mise en ordre » des eaux est en branle (Genèse 1/6 à 1/10). Et Dieu dispose des « eaux d’en haut » et des « eaux d’en bas » comme il l’entend. L’eau symbolise la puissance de Dieu qui donne la vie et la reprend à son gré.
Dans la liturgie comme dans la Bible, le rôle symbolique de l’eau se fonde sur un double symbolisme contradictoire :
- L'eau est symbole de vie : eaux agent de fécondité, eaux de sources, ondées de printemps.
- Elle est symbole de mort : eaux de l’océan déchaîné, fleuves en crue, au pouvoir destructeur.
Dès la Genèse, l’Esprit de Dieu est « au-dessus des eaux ».
Par le déluge, « Dieu effaça tous les êtres qui étaient sur la terre » (Genèse 7,23) ; par la volonté de Dieu, déçu par la conduite des hommes, le déluge anéantit (Genèse 6/13,17) et devient un symbole de destruction violente.
L’eau est une nouvelle fois source de mort au passage des troupes de Pharaon dans la mer Rouge. Là encore, Dieu est maître : « car les Egyptiens que vous voyez aujourd’hui, vous ne les verrez jamais plus » (Exode 14/13) et « les eaux revinrent et recouvrirent les chars, les attelages et toute l’armée du Pharaon… » (Exode 14/28, 15/4-5). Les Egyptiens sont ensevelis.
Ces deux épisodes de l’Ancien Testament témoignent de la colère de Dieu. C’est le jugement divin sur le péché de l’homme.
Dans le Nouveau Testament, aucun événement de telle ampleur. Néanmoins, en Matthieu 7/21-27 comme en Luc 6/47-49, des eaux destructrices font écrouler la maison qui n’est bâtie que sur le sable. En Marc 4/35-41, Matthieu 8/23-27 et Luc 8/22-25, Jésus apaise la tempête. Dans II Corinthiens 11/25-26, Paul a « trois fois fait naufrage » et est « exposé aux dangers des fleuves » ; les dangers des eaux sont aussi parfois bien réels.
Les eaux dans la Bible, symbole et réalité tout à la fois, nous révèlent un message. Elles peuvent être destructrices. Elles sont toujours salvatrices, purificatrices, régénératrices.

Sylvie Lacoste

*Article paru en Avril 2011 dans le journal de l'ERF de Bordeaux

La théorie des jeux ou le rapport entre rationalité individuelle et (ir)rationalité collective.*

La théorie des jeux,c'est la théorie de la décision rationnelle (=jeu) d'agents (tout ce qui produit un effet dans un phénomène) stratégiquement interdépendants: ils s'influencent les uns les autres et ont conscience de ces influences réciproques. Plus simplement, c'est la mise en modèle mathématique de situations de jeux donc de situations stratégiques.

Pourquoi me direz-vous? Optimiser les stratégies. Nul donc ne sera étonné de découvrir que cette théorie s'applique dans divers domaines: mathématiques bien évidemment, informatique,sciences économiques et politiques, droit, biologie etc...

Dans tout jeu (non-coopératif /coopératif/des incitations), il faut être au moins deux et l'issue de tout jeu, dépend de l'attitude de tous les acteurs. Avec le "dilemme du prisonnier", la théorie des jeux montre les efforts nécessaires (optimisation de la stratégie à adopter) à faire pour obtenir un gain.

Deux détenus complices d'un délit sont emprisonnés séparément sans possibilité de communiquer. L'objectif stratégique de chacun est de rester le moins longtemps possible en prison.

Le dilemme réside dans le choix de chacun puisque aucun ne connaît le choix de l'autre: un perdant/un gagnant. L'intérêt individuel (rationalité individuelle) primant sur l'intérêt collectif (rationalité collective), chacun va dénoncer l'autre pour être sûr de voir sa peine diminuer. Le coupable voit sa peine écourtée puisqu'il n'avoue pas son délit. Tandis que celui qui est innocent, craignant d'être dénoncé et de purger injustement une peine, pense la minimiser en dénonçant son complice. Et même s'ils avaient pu se consulter, ils auraient fait le choix de se trahir.

Et pourtant, s'ils avaient choisi de se taire, la peine de chacun était également plus courte.
Vous me suivez?
Pour résumer, cet exemple montre que le choix individuel considéré comme idéal et rationnel pour chacun des "joueurs" de dénoncer l'autre aboutit à un choix collectif complètement irrationnel puisqu'ils n'ont pas optimisé leur "gain" (rester le moins longtemps en prison) en choisissant de se taire. Convenant que se taire demande un effort, dans notre cas: pas d'effort = "gain" a minima.
"Le dilemme du prisonnier" illustre le conflit entre l'intérêt individuel et l'intérêt collectif et se retrouve dans de nombreuses situations économiques (les enchères=marchandage/concurrence entre entreprises), politiques (vote/compétition électorale qui passé 2 candidats ne répond plus à la "loi du plus fort"), sociales (choix d'un itinéraire aux heures de pointe/choix d'un mode de transport individuel ou collectif par rapport au coût de chacun), transmission de données sécurisées en informatique, en biologie (évolution des espèces/génétique) etc...

Pourquoi une théorie me direz-vous? Si on considère le "dilemme du prisonnier" itéré, cette théorie permet d'établir une distinction entre les problèmes pouvant être analysés d'un point de vue purement statégique et ceux relevant de dimension morale, philosophiques, théologiques...Elle peut expliquer des comportements, voire de les anticiper, voire de dénouer des situations (aujourd'hui, la situation libyenne est un jeu de rapport de forces, non?). Et en supposant que chaque comportement soit rationnel, la répétition d'une situation (jeu) peut conduire à trouver une situation d'équilibre (le cessez-le-feu en Libye?), optimiser les "gains" (la paix en Libye?).

In fine, l'idéal étant que les rationalités individuelles conduisent à des comportements collectifs rationnels. C'est de la prospective! Et plus modestement, pour ma part, il me semble que c'est une belle théorie qui devrait permettre une meilleure communication:

                   Emetteur -------------------------concertation-------------------------Récepteur

Et évite, à propos du choix de son/de ses partenaires de jeu, le "je sais qu'il sait que je sais qu'il sait..."

Sylvie Lacoste

*Compte-rendu de la conférence de Frédéric Koessler, chercheur au CNRS et professeur à l'Ecole d'Economie de Paris / Centre Hâ 32/ 17 mars 2011.














                     










jeudi 24 mars 2011

des nouvelles de Pierre-Yves Oudeyer

http://www.categorynet.com/communiques-de-presse/sciences/acroban,-le-premier-robot-humano%C3%AFde-que-l%27on-peut-prendre-par-la-main.-20110309152556/

samedi 19 mars 2011

"Les jeux de l'amour et du hasard"

Une histoire d'amour, lorsqu'elle démarre, se vit sur le mode de la magie et de l'enchantement. On aimerait croire qu'elle est toujours unique et mystérieuse. Pourtant à y regarder de plus près, l'amour comme la plupart des sentiments, a aussi ses lois, ses règles du jeu: hasard? Stratégie?

Pour Florence Enhuel, professeur de philosophie et psychotérapeute, l'amour est une affaire légère, un amusement jusqu'au moment où le jeu peut faire basculer dans le sérieux, dans du drame.Un attachement peut arriver à tout moment et cela c'est le hasard. Car l'amour nous prend dans ce qu'on a de plus fragile: l'attente de l'autre relève de la construction de l'un/de l'autre.Dès lors l'amour n'est plus un jeu car on ne joue pas avec les gens et on prend des risques (jusqu'au sacrifice de l'un/de l'autre?).

Aujourd'hui, ces risques seraient plus calculés car l'amour "moderne" semble plus lége: l'Internet, les textos, les mails puis le téléphone...utilisation en crescendo: les rencontres sur le net puis on passe très vite au texto puis très vite au mail puis très vite au téléphone puis très vite on se rencontre.Ces outils font naître des amours plus "raisonnables" qui aident à supporter le quotidien, les contraintes sociales au même titre que n'importe quel autre loisir.Une relation commence vite et finit tout aussi vite.Les partenaires de jeu de cet amour "moderne" partagent un plaisir et s'interdisent de faire des projets.Le jeu de l'amour est dangereux,cruel car il semble qu'il y est toujours un perdant/un gagnant.L'amour "moderne" semble avoir résolu cette question.A ce jeu là,on ne risque pas l'essentiel: sa liberté et ni même sa responsabilité.

Et si Florence Enhuel avait raison? Et si ce n'était pas l'amour le plus important, si c'était le cheminement de soi, le rapport de soi à soi?
Certes de tout temps,on cherche l'amour parce qu'on n'est pas capable de vivre sans dépendance affective. Et si on se trompait sur la manière d'y arriver? Pour Florence Ehnuel,il ne faut pas mettre tout sur l'autre,pour garder une liberté; aimer,ce n'est pas être dans le manque de l'autre.Le jeu de l'amour doit être un équilibre.
Un bon amour doit être un bon jeu,attrayant,où chacun y trouve du plaisir,un jeu qui pousse à sortir des choses de soi qu'on ne soupçonne pas,un jeu qui force à acquérir quelque chose de nouveau.Il doit être "énergétigène" et non "énergétivore".

Et si le jeu de l'amour était bien un jeu de hasard et cependant un jeu de construction dont les fondations seraient en constante rénovation?

Sylvie Lacoste

Article publié dans le cadre du Cycle 2011 des Conférences du Centre culturel du Hâ 32, février 2011

dimanche 2 janvier 2011

L'Art en jeu ou comment l'Art occidental (XVIème / XXème siècle) est un jeu...(*)

C'est dans l'Italie de la Renaissance que l'artiste (peintre, sculpteur, architecte) est reconnu comme un homme de savoir et de savoir-faire. Il n'est plus un simple artisan, il est considéré comme un créateur. Peinture, sculpture et architecture deviennent des arts libéraux enseignés dans les universités.
Un nouveau marché s'ouvre à côté de celui des institutions religieuses, un nouveau genre de commanditaires collectionneurs favorise l'affirmation de cette nouvelle identité de l'artiste. Soutenus par d'illustres et riches familles (les Médicis pour ne citer qu'eux), les artistes gagnent en liberté et donnent naisssance à un nouveau système d'appréciation. Leurs créations deviennent des objets de contemplation, de désir, de plaisir.

Dès lors entre Art et jeu, de féconds rapports s'établissent. Comme le jeu, l'Art fonctionne à partir de règles et de dispositifs, d'exercices et d'interprétations.

Trois contrats définissent une oeuvre-d'art. Le premier entre l'artiste et le commanditaire: le sujet de l'oeuvre est fixé et correspond à un désir, à une attente du commanditaire et le tout devant notaire! Le deuxième contrat établit implicitement un lien entre le spectateur et l'oeuvre: celui-ci doit être un spectacle et nous devons en être spectateur. Et le troisième est celui qui relie l'artiste à son oeuvre: construire et réaliser son projet artistique.

Voilà pour la théorie !
Car ses trois contrats, ces trois règles (du jeu...) sont souvent faits pour ne pas être respectés! Les règles sont détournées par l'artiste et c'est un fait, il s'amuse ! L'artiste ne respecte pas la volonté du commanditaire; de spectacle, l'oeuvre devient "spectatrice" et le spectateur devient "spectacle" pour l'oeuvre...ENONCIATION (du projet) / TRANSGRESSION (de ce même projet), c'est de ce jeu que procède l'Art:

                               OEUVRE D'ART = ENONCIATION + TRANSGRESSION

L'artiste joue avec le réel, il déjoue la réalité et parfois il n'est plus maître du jeu...

Denis Favennec nous a offert un beau spectacle d'une dizaine d'oeuvres connues et parfois même nous avons été "en spectacle" sous les yeux d'Innocent X (Velasquez 1650)























"Jeux d'Enfants" par Bruegel l'Ancien (1560) où les jeux d'enfants débordent leur espace pour emporter avec eux les adultes...Notre action, notre vie est soumise à l'aléa du Jeu...












la "Chambre des Epoux" ou glorification des Gonzague par Mantegna (1470/1480) commanditée par le Marquis de Mantoue où scènes de cour (chasse, réception) montrent un sens caché des realtions politiques/diplomatiques du temps que les Gonzagues eux-mêmes doivent déchiffrer, avec son oculus en trompe-l'oeil et les putti qui se jouent de nous...



Ou encore Giulio Romano, toujours pour les Gonzagues, peintre et architecte du Palais du Té (1527/1534) avec la "Salle des Géants" où la peinture dégouline, envahit tous les murs...












La liste n'est pas exhaustive..pour expliquer que l'artiste joue...à tromper l'oeil ! Et je ne saurai résister à vous inviter à voir "Le Tableau Retourné" de Gysbrechts (1670): le tableau est dans le tableau, tout à disparu...il n'y a plus que nous en face d'un tableau !

Sylvie Lacoste

(*) Conférence de Denis Favennec, professeur de mathématiques spéciales au Lycée Montaigne à Bordeaux et Docteur en histoire de l'Art.